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Chrétien face à la crise écologique


Par René Blanc, Dominique de France et Caspar Visser 't Hooft

La crise écologique que nous traversons suscite peur et angoisse. Pour nous, chrétiens, il s’agit là du gémissement de la création – gémissement qu’en Jésus-Christ sur la Croix Dieu a pris sur lui. En ressuscitant Jésus-Christ, « premier né d’entre les morts », Dieu nous offre pourtant cette magnifique espérance : au milieu du chaos et de la mort, il crée du nouveau, une vie nouvelle. La terre aujourd’hui sous l’ombre de la Croix est en cela même dans la lumière du matin de Pâques. Quoi qu’il arrive dans cette réalité avant-dernière, nous sommes dans la main du Dieu de la vie[i].

Pour l’heure, cette espérance de Pâques nous donne le courage de regarder la crise planétaire en face et d’en mesurer toute la gravité. Elle nous rend libre aussi par rapport à toutes les idéologies qui prétendent à la vérité absolue. Là où elles acceptent la misère des hommes et la dégradation de la vie sur terre comme effets collatéraux de leurs projets, même si elles présentent ces fléaux comme provisoires, nous devons exprimer notre ferme opposition. Il s’agit de notre témoignage de chrétiens. La vie de Dieu est marquée par la justice, l’amour du prochain, quel qu’il soit, et l’émerveillement.

Notre époque est dominée par l’idéologie libérale. Au nom d’une vérité supérieure elle impose la loi du marché comme indiscutable : la concurrence généralisée, l’austérité budgétaire, la spécialisation du travail, la réduction idéologique des individus à leur rôle de producteur/consommateur, tout en confinant le social et l’environnemental en externalité au système économique. Dans les faits, la prétendue universalité a défini l’intérêt général comme la somme des intérêts particuliers alors que cet intérêt général n’est le plus souvent, dans l’histoire, que l’intérêt bien entendu de la classe privilégiée et minoritaire des grandes métropoles. Mais nous voulons éviter toute stigmatisation. Chrétiens, nous croyons que la volonté de domination est inhérente à l’humain, qu’un système qui favorise le perpétuel combat de tous contre tous ne peut à terme qu’engendrer un conflit social sans fin où la recherche de la paix n’est que poursuite de vent. Le XXIème siècle rajoute à ce conflit social perpétuel la dégradation de la vie sur terre à plus ou moins long terme.

Ainsi au sein de l’Union Européenne, les États-Nations dans lesquels le principe de l’égalité s’applique (un homme/une femme - une voix) sont contraints par des directives supérieures à mettre en conformité leur fonctionnement à l’ordo-libéralisme décidé, même si cela va à l’encontre des attentes de leurs citoyens. Le supranational risque de faire tort au principe démocratique des États-Nations, voir de s’y substituer.

La préservation de l’environnement naturel et la justice sociale ne sont pas, de fait, les priorités des puissances de l’argent : le nouvel ordre du monde a réduit souvent les États-Nations à n’être que le relais servile de leur politique. Ainsi, depuis la dernière crise de 2008, le système économique dominant a prouvé son inefficacité et sa dangerosité, mais, tel un être aux abois, il continue à donner l’illusion de rebondir. Ce sont bien pourtant les États-Nations qui en dernier ressort et au prix d’un endettement exceptionnel, que les citoyens paient par des restrictions et privations de toutes sortes, ont contribué à sauver le « soldat banque » avec tout son système.

Aujourd’hui, tout le monde parle de « l’urgence climatique », pourtant dans les faits rien ne change, le système continue à exiger les changements de comportement individuel comme solution culpabilisante mais inefficace. Bien sûr, chacun à son niveau est appelé à agir de façon responsable, mais distinguons ce qu’exige la vie en société. La vie en société obéit à la règle du « nous ». Notre engagement doit aussi s’exprimer dans le domaine de la politique. Et qui sinon le politique peut imposer une loi supérieure à un système économique ? Cela fait intégralement partie de notre témoignage.

Comment devons-nous réagir devant cette réalité ? L’histoire est la longue et tragique illustration du fait que les groupes privilégiés cèdent rarement leurs privilèges sans y être contraints.

L’exigence propre à toute société capitaliste d’une croissance exponentielle continue devrait achever de convaincre ici tous ceux qui croient encore à la possibilité d’un marché écologique libéral[ii].

Alors, entre libéralisme et dirigisme, y a-t-il place pour une politique qui tienne compte non seulement du respect de l’environnement mais aussi du désir de liberté et de justice ? « Je le crois, » disait Bernard Charbonneau,[iii] « à la condition de ne pas finir dans l’utopie. » Et de poursuivre : « Ainsi, si une crise ou une catastrophe majeure était provoquée par un développement atteignant sa limite, l’utopie verte portée au pouvoir par les circonstances exercerait la dictature totale qu’exige le salut de la nature et de l’espèce. »

Il y a de quoi s’interroger sur nous-mêmes et notre civilisation, face à cette situation ironique où la même efficacité technique et économique qui nous a assuré, bien que de façon inéquitable, notre confort occidental, nous place aujourd’hui au centre d’une tragédie[iv].

Tragédie qui nous invite à ne pas aller vers des solutions simples. Chrétiens, nous nous savons appelés à marcher sur un chemin de crête entre idéalisme et pragmatisme, dans un esprit de lucidité et d’espérance. Dieu est un Dieu de justice, il est un Dieu de vie.

René Blanc, Dominique de France, Gaspard Visser ‘t Hooft sont membres du réseau informel « Bible et économie »

[i] Phrases inspirées par le texte des rapporteurs du thème synodal « L’écologie », soumis au Synode régional de l’Église Protestante de France en Région Nord-Normandie, qui eut lieu à Merville-sur-Mer, les 15 – 17 novembre 2019

[ii] Le loup dans la bergerie : droit, libéralisme et vie commune (Jean-Claude Michéa)

[iii] Le totalitarisme industriel (Bernard Charbonneau)

[iv] Ésaïe 47, 7 : Tu disais : « je serai pour toujours, perpétuellement dominatrice ». Tu n’as pas réfléchi dans ton cœur au sens des évènements, ni songé à leur suite.

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